Qu’est-ce que le gaslighting ?

Le gaslighting n’est pas réservé qu’aux relations de couple. Très souvent mis en avant, il est vrai que les manipulateurs en couple s’équipent de ces techniques pour manipuler leurs victimes. Toutefois, il est possible d’être victime d’abus mental par un collègue, un supérieur, un ami ou même un membre de sa famille. La toxicité relationnelle n’est pas un déséquilibre observé uniquement chez les partenaires amoureux.

Le gaslighting est une forme de manipulation, souvent appelé détournement cognitif qui repose sur trois leviers : le mensonge, les omissions et la déformation des faits. L’objectif n’est pas seulement de tromper, mais de faire douter. Peu à peu, la personne ciblée perd ses repères, jusqu’à remettre en question sa propre santé mentale.

L’autre ment avec aplomb, nie l’évidence, promet sans agir, puis inverse les rôles en projetant ses fautes sur l’autre.

Par exemple, il peut accuser l’autre d’être infidèle pour masquer ses propres manquements, ou faire croire que les proches ne l’aiment pas, dans le but de l’isoler. Il alterne compliments et critiques pour le/la déstabiliser : un mot gentil, puis une pique qui détruit. Ce renforcement positif entretient le lien et la confusion.

Petit à petit, l’autre devient dépendant : il ou elle cherche sa validation, craint sa colère, modifie son comportement pour éviter ses reproches. L’isolement s’installe, son estime s’effrite, et il/elle a l’impression de perdre pied.

Quand la manipulation mentale s’installe sans qu’on s’en rende compte :

Peu à peu, certaines phrases, répétées avec assurance, viennent semer le doute dans votre esprit. D’abord anodines, elles finissent par éroder la confiance, isoler et  faire douter de la réalité.

Exemples de phrases, qui peuvent être entendues :

« Je plaisantais, détends-toi » — dit-il après t’avoir blessée. Tu sens que quelque chose ne va pas, mais il balaie ton ressenti. À force d’entendre que « ce n’était qu’une blague », tu commences à penser que tu exagères. C’est ainsi que la confusion s’installe, lentement.

Puis vient : « Oh, tu veux encore me faire une scène ? ». Chaque émotion devient un reproche, chaque mot un prétexte pour te faire passer pour excessive. Alors tu te tais. Ton silence devient une armure… et ta prison.

« Franchement, tu exagères », « Tu réfléchis trop », « Tu déformes toujours tout ce que je dis ». Ces phrases, répétées au fil du temps, brouillent ton intuition. Tu doutes de tes perceptions, tu t’excuses sans cesse, et tu finis par croire que le problème vient de toi.

Et lorsque tu entends : « Tu es bien la seule à penser ça » ou « Tu devrais apprendre à me faire confiance », la dépendance s’installe. L’autre devient ton seul repère, celui qui sait mieux que toi ce que tu vis, ce que tu ressens, ce qui est vrai.

Pourquoi il ou elle agit de la sorte ?

La personne agit par peur plus que par force. Sa violence psychique cache une immense fragilité, une faille narcissique qui l’empêche d’aimer autrement qu’à travers le contrôle.

Mais comprendre son trouble ne veut pas dire le justifier : cela aide seulement à se protéger, en sachant que l’on n’a pas le pouvoir de le « réparer ».

D’où vient ce trouble ?

La manipulation n’est pas qu’une stratégie de domination : c’est souvent le symptôme d’un trouble profond lié à l’insécurité, au besoin de contrôle et à une image de soi fragile.

  1. Une faille narcissique ancienne

Derrière le masque du pouvoir se cache souvent une blessure d’estime : un sentiment de vide intérieur, une peur de ne pas exister sans l’admiration ou la soumission de l’autre.
Dans l’enfance, ces personnes ont pu manquer de reconnaissance, d’amour stable ou de limites claires. Elles ont alors développé un « faux self », une façade brillante et sûre d’elle, destinée à masquer une profonde insécurité.

La manipulation devient leur moyen de survie : elles contrôlent l’autre pour ne pas ressentir leur propre vulnérabilité.

  1. Un besoin de maîtrise pour éviter la dépendance affective

Paradoxalement, la personne qui manipule redoute l’attachement autant qu’elle la recherche.
Il/Elle veut être aimé, mais craint d’être rejeté ou abandonné. Pour garder le dessus, il/elle inverse la dynamique : il/elle fait douter, rabaisse, déstabilise. Ainsi, il/elle garde le pouvoir et évite de se confronter à ses propres émotions de peur ou de honte.

  1. Un mode relationnel rigide et défensif

Ce fonctionnement est rarement conscient. Cette personne manipulatrice ne se dit pas : « Je vais détruire l’autre ».

Il agit selon un schéma intérieur ancré, appris tôt, où l’amour et le contrôle se confondent.
Il/elle a besoin que l’autre soit faible pour se sentir fort, car il ne sait pas aimer sans dominer.

  1. Une absence d’empathie réelle

Ce trouble s’accompagne souvent d’une incapacité à reconnaître les émotions de l’autre.
Non pas parce qu’il ne les perçoit pas, mais parce qu’elles menacent son équilibre intérieur.
Voir la souffrance de l’autre réveille la sienne — alors il/elle la nie, la méprise ou la ridiculise.

Quel travail psychologique pour accompagner cette personne à changer ?

  1. Reconnaître qu’il y a un problème

C’est le point de départ… et souvent le plus difficile. Il/elle vit dans un système de défense rigide : il ne se vit pas comme problématique, mais comme incompris ou victime.

Avant toute thérapie, il faut donc qu’un choc de réalité ou une crise relationnelle (rupture, isolement, conflit professionnel, rejet de l’entourage) l’amène à consulter.
Puis, la première étape consiste à créer une alliance thérapeutique solide, fondée sur la curiosité et non sur l’accusation.

L’enjeu n’est pas de « démonter » ses mécanismes, mais de l’aider à en observer le coût émotionnel : solitude, perte d’amour, angoisse de vide.

  1. Explorer les blessures narcissiques précoces

Cette personne s’est souvent construite sur un mode défensif :

  • un sentiment d’abandon, de rejet ou d’humiliation,
  • une éducation basée sur la performance ou le contrôle,
  • un attachement insécurisant où aimer signifiait perdre sa place ou être dévalorisé.

Le travail en tant que thérapeute vise à lui faire retrouver la vulnérabilité enfouie derrière le masque de toute-puissance.

Cela se fait par un accompagnement contenant, sécurisant, où le thérapeute sert de miroir bienveillant : « Tu n’as pas besoin d’avoir raison pour exister. »

  1. Travailler sur les mécanismes de défense

Les principales défenses en jeu sont :

  • le déni (refuser la réalité de sa violence),
  • la projection (attribuer à l’autre ses propres fautes),
  • l’inversion des rôles (se positionner en victime),
  • le clivage (diviser le monde entre bons et méchants).

En tant que thérapeute vous allez l’accompagner : à les identifier, puis à trouver d’autres moyens d’affirmation plus authentiques : poser ses besoins sans dominer, reconnaître ses erreurs sans se sentir annihilé.

  1. Restaurer l’empathie et la conscience émotionnelle

Cet homme ou cette femme a souvent un accès limité à ses émotions véritables — qu’il remplace par le contrôle ou la séduction.

Le travail thérapeutique consiste à :

  • le/la reconnecter à ses affects (colère, tristesse, peur, honte),
  • lui apprendre à reconnaître ceux des autres,
  • travailler la tolérance à la frustration et à la contradiction.

Différentes approches thérapeutique peuvent être mises en place pour le/la sortir de ce schéma.

  1. Réhabiliter le lien authentique à l’autre

Sortir de cet état, c’est réapprendre la réciprocité. Le thérapeute soutient la possibilité d’un lien non basé sur la domination, mais sur la confiance mutuelle. Cela passe par l’expérimentation, souvent douloureuse, de la relation thérapeutique elle-même :

« Que se passe-t-il pour toi quand tu ne contrôles pas ? Quand l’autre te dit non ? »

  1. Soutenir la responsabilité, pas la culpabilité

Le piège serait de le faire sombrer dans la honte — car la honte réactive la défense. Mais l’objectif est d’amener la responsabilité consciente :

« Ce comportement te protège, mais il te détruit aussi. »

C’est un travail long, mais pas impossible. Quand la personne parvient à se relier à sa propre souffrance, elle cesse peu à peu d’avoir besoin de contrôler celle des autres.

En résumé

Le travail thérapeutique vise à :

  • faire émerger la conscience de l’emprise,
  • restaurer l’estime de soi sans domination,
  • reconstruire l’accès à la vulnérabilité,
  • apprendre la relation sincère et réciproque.

Changer un fonctionnement de la sorte, c’est apprendre à aimer sans craindre de disparaître.

Du côté de la victime, comment s’en libérer ?

Le premier pas consiste à reconnaître ce qui se joue : nommer la manipulation, c’est déjà commencer à s’en extraire. Parler à une personne de confiance (un ami, un proche, un professionnel), pour voir la situation de l’extérieur.

Consulter un thérapeute est souvent nécessaire pour retrouver un certain discernement et reconstruire l’estime. Dans certains cas, couper les liens est la seule solution pour retrouver une autonomie émotionnelle.

Enfin, reprendre le contrôle de sa vie : se reconnecter à soi-même, à ses envies, à ses sensations, pour permettre à la victime de se remettre au centre de sa propre réalité.

Car la vraie guérison commence quand la victime redonne du crédit à ses ressentis.